Ephat Mujuru, le maître du mbira réédité par le label Awesome Tapes from Africa

Le label annonce la réédition de Mbavaira, deuxième album du chanteur zimbabwéen Ephat Mujuru et son groupe Spirit of the People, témoins de la lutte indépendantiste de leur pays.

Ephat Mujuru

Le label Awesome Tapes from Africa réédite le deuxième album d’Ephat Mujuru et son groupe Spirit of the People. Intitulé « Mbavaira », l’album initialement sorti en 1983 signifie « chaos » en langue shona. Nous y entendons notamment son oncle Mude, reconnu comme l’un des plus grands chanteurs de chimurenga, le style populaire de ces années de lutte.

Ephat Mujuru, musicien traditionnel du Zimbabwe, incarne justement les luttes de sa génération, née sous le régime colonial en Rhodésie du Sud. Issu d’un village situé près de la frontière mozambicaine, il a été élevé dans la culture traditionnelle shona, auprès de son grand-père maîtrisant parfaitement le mbira dzavadzimu, un instrument utilisé pour bénéficier des conseils des ancêtres décédés.

Ephat Mujuru lui-même affirmait :  « Lorsque le mbira est joué, il réunit les deux mondes, celui de nos ancêtres et celui d’aujourd’hui. »  À dix ans, l’enfant prodigue jouait pour la première fois le mbira durant une bira, cérémonie spirituelle qui dure toute une nuit, entre musique, danse et connexion avec les aïeux. Néanmoins, les nonnes de son école catholique lui interdisaient de jouer cet instrument, qu’elles considéraient comme un « péché contre Dieu ».

Ephat a tout de même poursuivi son exploration musicale, devenant de plus en plus politique avec la formation de son premier groupe Chaminuka en 1972, du nom de son ancêtre shona préféré. En pleine lutte indépendantiste, il contribue à l’émergence d’un nouveau genre musical : la musique chimurenga, signifiant la musique « de lutte », honorant les combattants de la libération nationale. Il expliquait : « Nous parlions de notre lutte pour nous libérer. Dans l’Afrique ancienne, à l’époque de nos ancêtres, ils n’avaient aucun des problèmes que nous avons aujourd’hui. Nous voulions que l’endroit soit comme il était, avant la colonisation. »

Il aide également à la création de la National Dance Company of Zimbabwe, devenant le premier professeur de musique africain à l’ancien College of Music du Zimbabwe.

Awesome Tapes from Africa dévoile le titre « Mudande », issu de l’album Mbavaira, qui nous plonge dans une atmosphère profondément mélancolique, avant de se transformer progressivement en une ambiance à la fois joyeuse et nostalgique. Le morceau signifie « à Dande », une région du nord du Zimbabwe connue pour son attachement considérable aux traditions.

Mbavaira correspond sûrement à l’une des dernières œuvres de chimurenga d’Ephat Mujuru, qui s’est par la suite plutôt dirigé vers d’autres genres musicaux, notamment suite à ses voyages au Royaume-Uni ainsi qu’aux États-Unis. Il se souvient : « Les gens étaient surpris. Ils m’ont dit : “Tu ne vas pas jouer de ta mbira comme avant ?” J’ai répondu que je n’avais rien changé. C’est comme si j’apprenais le shona et l’anglais, le français ou le japonais. C’est un ajout aux connaissances. Les anciennes ne disparaissent pas. Quand vous achetez une nouvelle veste, vous ne jetez pas l’ancienne. »

Il décède en 2001, à la suite d’une crise cardiaque, après son atterrissage à l’aéroport de Londres-Heathrow, en route pour enseigner et se produire aux États-Unis. Il aimait à rappeler : « Le mbira est comme une mer. Ce n’est pas une petite rivière. Vous entrez dans la grande mer. J’essaie donc de leur montrer l’océan Indien, le Pacifique, l’Atlantique. Ce que j’essaie d’apporter maintenant à cette musique, à travers toutes les expériences que j’ai vécues, c’est l’unité. »

Avec Pan-African Music

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